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De la Perle des Antilles au "Pays de désolation", de Port-au-Prince à "Port-aux-Crimes": Haïti chérie, quel virage étrange! Peut-on retrouver le droit chemin?

Par Jocelyn Prophète, Septembre 2020
Le peuple haïtien est un grand peuple, une grande nation avec une grande histoire mais ce peuple vit depuis plusieurs décennies dans un pays plongé dans un véritable chaos. Les haïtiens sont des citoyens conséquents, fiers et dignes deux-mêmes mais ils sont dirigés ou menés depuis plusieurs décennies par des leaders qui manquent de courage et de vision dans un système corrompu et obsolète. Le peuple haïtien est un peuple généreux, hospitalier et solidaire mais contrôlé par une élite qui pense plus à leurs intérêts personnels ou individuels quaux intérêts collectifs ou nationaux. Cette élite crée des conditions pour garder le peuple dans l'illusion, dans une misère atroce et dans une ignorance engendrée par un manque flagrant d'éducation et de formation. 


1. Le manque de valorisation des ressources et l'administration exécrable des affaires publiques Haïti est un pays assez riche en ressources matérielles et humaines. Nous sommes un peuple intelligent. Preuve faite, confrères haïtiens, nous brillons un peu partout à travers le monde dans des domaines diversifiés. Cependant, notre peuple est dirigé par des gens avec une faible capacité d'organisation et de valorisation des ressources, en particulier les ressources humaines. L'Etat haïtien forme des professionnels pour servir d'autres pays. On peut considérer Haïti comme un caféiculteur qui produit du café pour exporter et non pour le marché local alors que le marché local souffre d'une pénurie grave de café. Le manque de valorisation des ressources humaines rend le pays non productif et bloque le développement économique et l'épanouissement social. 
La pauvreté et la misère qui sévissent en Haïti sont en général le résultat d'une production nationale précaire ou presqu'inexistante, de la répartition inéquitable des ressources, d'une mauvaise gouvernance et dune administration exécrable des affaires publiques. Ces conditions se détériorent au fil des années et aujourdhui, la pauvreté semble caractériser malheureusement notre identité en tant que peuple. Franchement, ce n'est pas acceptable. Nos écoles et nos universités forment des professionnels de tout calibre pour aller construire d'autres pays, comme si notre propre pays n'a pas besoin de nous. En d'autres mots, c'est un pays exportateur de cerveaux (têtes pensantes) ou carrément un pays donateur de cerveaux. 
Haïti est un pays d'amour, de fraternité et d'unité. D'ailleurs, "L'union fait la force" est au coeur de notre emblème national. Malheureusement, ce pays est dirigé par une élite qui ne croit pas dans ce noble emblème. La haine, la division, l'égocentrisme, le souci d'enrichissement illicite, la jalousie et la méchanceté sont les valeurs de choix de cette dite élite. Cette île des grandes Antilles, était considérée autrefois comme la perle des Antilles, la nation qui a donné le ton au respect des droits humains et de la dignité humaine pour l'indépendance et l'autonomie des peuples ou des nations en Amérique et ailleurs dans le monde. 
Aujourd'hui, elle est devenue un pays où la criminalité, l'impunité, l'injustice sociale, le non-respect des droits humains et des libertés individuelles font la loi. La vie des gens na aucune valeur aux yeux de ces despotes non éclairés, non lucides et non visionnaires qui dirigent ce pays depuis plusieurs décennies. Si l'exode des cerveaux s'accentue en Haïti de jour en jour et d'année en année, c'est parce que la criminalité et l'impunité (armes puissantes de l'élite corrompue) en font la promotion et le marketing. Cette catégorie d'élites ne collabore pas avec des personnes qui ont l'esprit (la lucidité, la clairvoyance), qui sont compétentes, qui sont intègres (honnêtes), qui ont une vision du développement du pays. Nous pouvons comprendre pourquoi la vraie élite est silencieuse, en dormance ou en exil. 
2. L'insécurité.- Versus la fierté nationale L'assassinat du brillant avocat, bâtonnier du barreau de Port-au-Prince le 29 août dernier, Me Dorval Monferrier, fait pleurer le peuple haïtien; c'est révoltant et honteux. Toutefois, ce décès réjouit plusieurs membres de l'élite corrompue et certains hauts placés qui profitent du système ou de cet état de non-droit en travaillant à satisfaire les intérêts de leurs acolytes nationaux ou internationaux. L'insécurité et limpunité altèrent notre fierté nationale. Le manque ou l'absence de fierté nationale est la plus grande honte d'un peuple ou d'une nation, car il existe un lien direct entre l'identité nationale et la fierté nationale. L'altération de la fierté nationale engendre une altération de l'identité nationale. Nous avons honte de notre cher pays, nous avons honte de notre Quisqueya, nous avons perdu notre identité et notre fierté nationale. Personne n'est à l'abri dans ce pays où tout est possible à ceux qui ont le pouvoir des armes à feu. 
3. Pouvons-nous retrouver cette fierté et cette grandeur d'âme? Agir pour changer! Le début d'une vraie solution à cette honte nationale, à cet état de désolation de notre terre natale peut être résumé ainsi: Un mouvement social pour une révolution sociale. Cette élite non visionnaire, corrompue et égocentrique ne va pas lâcher prise, car ces gens nont pas de conscience et leur âme est ruinée. Comme la si bien dit François Rabelais : "Science sans conscience nest que ruine de l'âme". 
Le peuple haïtien doit briser ses propres chaines en agissant comme acteur principal dans ce mouvement de changement socio-politico-économique. Il n'y aura pas de prospérité économique sans une volonté politique, une vision sociale et une bonne gestion du trésor public. Sortons de l'illusion, de l'utopie et de la démagogie. Arrêtons-nous de donner la responsabilité de notre sort aux étrangers; la communauté internationale n'est pas responsable de tout. Les étrangers peuvent comploter avec des mercenaires locaux (qui sont des haïtiens) pour défendre leurs intérêts; cela existe un peu partout dans le monde. Il n'y a jamais eu un pays qui est développé par des étrangers; j'ai cherché ailleurs dans le monde et je n'ai pas trouvé d'exemples. Un pays est développé par ses fils et ses filles sous le leadership d'une élite nationale visionnaire, compétente et intègre tout en tenant compte du contexte régional et international. Les haïtiens sont les premiers responsables du développement de leur pays. 
 3.1.- La responsabilité de la vraie élite haïtienne face à un système dépassé et corrompu : Le devoir du peuple.- Pour amorcer un changement, Haïti a besoin de son élite non corrompue (la vraie élite, celle qui semble invisible et silencieuse) tant en Haïti quà l'étranger. Cette élite dormante doit se réveiller pour préparer le peuple par l'éducation, l'instruction, la formation, la sensibilisation et la mobilisation en vue de la proposition dun projet de société axé sur le respect des droits humains, la liberté, le travail (l'effort collectif), l'organisation, la justice sociale et l'intérêt collectif. Ça fait longtemps que cela dure, il est temps que cela change pour répéter les fameuses paroles de Jean Dominique, un brillant agronome et journaliste également assassiné à Port-au-Prince le 3 avril 2000. Donc, ces actes dassassinat ou de destruction des têtes pensantes du pays ne datent pas d'aujourd'hui; cest une sale vieille pratique. 
 Le problème dHaïti ne se résume pas seulement à une personne ni à un président. Bien que nos dirigeants ne sont pas généralement à la hauteur des défis; ils n'ont pas fait preuve dassez de leadership, de vision et de courage. En effet, la problématique du pays doit être analysée de façon globale et systémique. Le système est obsolète, dépassé et corrompu. Un changement de système et de gouvernance s'impose; il n'y a pas de raccourci. Pour sortir Haïti de ce gouffre de criminalité, d'injustice sociale, de corruption, d'impunité, d'insécurité et de pauvreté, il y a un prix à payer. Nous devons être prêts. 
Le peuple haïtien est pris en otage, il est en prison. La bonne nouvelle, c'est qu'il détient la clé de sa propre prison; le pouvoir de sa libération est entre ses mains avec l'aide du bon Dieu. Si nous avons fait le 18 novembre 1803 pour avoir la souveraineté territoriale, nous pouvons encore faire mieux pour avoir la souveraineté politique et économique. Cette révolution socio-économique est plus que nécessaire et la décision appartient au peuple haïtien. La vraie élite du pays doit sortir de la dormance ou du silence pour se mettre au travail. Elle doit s'unir et réfléchir sur la proposition d'un plan pour un vrai mouvement socio-économique au niveau national afin de redonner l'espoir au peuple souffrant. Nous croyons et si nous voulons, nous pouvons !!! 

 Jocelyn PROPHETE,
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